Prokop au Lovibond
La scène se passe dans un café strasbourgeois, un pub de Hull, un porche du Delta... un lieu de hors temps ou peut-être de tous temps, à portée de courants rhénans croisant ceux de la Mitteleuropa, voisin d’un Northern estuaire tourné vers l’Océan ou des sudistes méandres qui enveloppent laHighway 61... au-delà des contextes et des époques, tout est affaire de silhouette, de la manièredont celle-ci habite l’instant, lorsque les mots s’installent dans l’écho des brouhahas antérieures.
Avec l’élégance de l’authenticité, la silhouette de Prokop incarne la musique qu’elle charrie. Ainsi, pour accompagner les mots qu’il pose dans la conversation, ses gestes s’accordent ils naturellement
au rythme intérieur, vif ou contemplatif, qui traverse ses chansons.
Des mots qui s’ancrent au plus près des pensées qui traversent son regard, déclinant au fil des phrases la sincérité qui signe un
songwriting soigné et intimement kaléidoscopique – quitte à sauter d’une langue à l’autre pour passer de la spontanéité à l’écriture.
On songe qu’il est d’ailleurs probable que l’instant partagé
nourrisse les pages manuscrites du récit que son répertoire fragmente à travers cette généreuse sériede quasi-nouvelles à chanter.
C’est sans doute que la musique de Prokop n’est jamais détachée de la vie ; la sienne, la nôtre, celle que nous traversons en commun. Prokop est un chanteur folk donc. Folk pour tresser ses intimités
avec celles de passés et d’ailleurs, bien sûr, plus ou moins récents, plus ou moins lointains, que ses chansons tutoient par amour bien d’avantage que par fascination. Folk comme cette musique
embarquée dans un feedback transatlantique qui raccorde des deltas nourriciers. Folk comme cette voix claire et directe, qui s’offre à nu et livre ses paradoxes comme ils viennent. Voix de gorge et de
cœur, d’une candeur désarmante même lorsqu’elle s’emporte ou s’abandonne, elle chante à la première personne, celle qui, plus que toute autre, réunit les destins.
Folk avant tout comme la liberté absolue d’embrasser tous les styles autour de chansons soignées : notes bleues, swing jazz, valses bastringues, country claudicante, mélancolies orchestrées, ballade
poignantes ou abandonnées, électricité rock bien entendu, accents tropicaux pourquoi pas... qu’importe le flacon pourvu qu’on trouve l’ivresse de l’évidence.