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Date : 08-10-2025 14:58:17
Ils nous auront vraiment tout fait...
Envie d’une formation « développer une culture de l’entreprise », « seminaire : repas Boss/Prof » ?
C’est non pour Frédéric Grimaud, enseignant et docteur en sciences de l’éducation.
Il dénonce et explique les dessous de sa colère contre l’offre de formation académique : « Transformer l’école en entreprise, voilà le projet » et « mettre l’école au service de l’entreprise. Que le MEDEF soit partenaire de la formation continue des enseignant·es n’est pas anodin. C’est le révélateur des véritables intentions des gouvernements libéraux : aligner l’école sur l’employabilité, l’adapter aux besoins du patronat local, subordonner les savoirs aux normes du marché, nous faire intégrer l’idéologie concurrentielle ».
Ce week-end, tous les enseignant.es de l’académie d’Aix-Marseille ont reçu le programme de l’Ecole Académique de la Formation Continue pour le mois d’octobre dans leurs boites mails professionnelles, avec invitation à s’inscrire à des modules de formations aussi divers que « CGénial : professeurs en entreprise », le webinaire « Construire son projet d’évolution professionnelle » ou, plus surprenant encore le « Séminaire : repas Boss/Prof ».
Véridique et estampillé Education Nationale.
Certes nous n’avons pas de ministre depuis des semaines.. mais cela permet-il que soit proposé aux enseignant·es un « repas organisé par le MEDEF Sud pour développer les échanges entre les acteurs du monde éducatif et économique» ? Voici 3 raisons pour lesquelles je n’irai pas me mettre à table avec les représentants d’une organisation patronale française.
Tout d’abord parce que je suis en poste dans les Bouches du Rhône et que pour ce module de formation (sic), « les préinscriptions sont closes » avant même que le mail n’arrive dans ma boite académique. Peut-être pourrais-je me rabattre sur le repas prévu pour les collègues du Vaucluse ? A moins qu’il ne soit vite plein, j’imagine qu’une collation organisée par le patronat à Châteauneuf du Pape peut attirer les foules ! C’est sans doute plus appétissant que les assiettes de chips/cacahuètes que l’on sert en Réunion d’Information Syndicale !
Ensuite, parce que l’objectif annoncé de cette « formation » (re-sic) est « de développer une culture de l’entreprise ». Cette intention, dans la plus pure tradition du Nouveau Management Public, a de quoi nous inquiéter. Transformer l’école en entreprise, voilà le projet. Mais également, ne l’oublions pas, mettre l’école au service de l’entreprise. Que le MEDEF soit partenaire de la formation continue des enseignant·es n’est pas anodin. C’est le révélateur des véritables intentions des gouvernements libéraux : aligner l’école sur l’employabilité, l’adapter aux besoins du patronat local, subordonner les savoirs aux normes du marché, nous faire intégrer l’idéologie concurrentielle … bref mettre les profs en coupe réglée des désidératas du MEDEF. Sans moi.
Enfin, et ce dernier point devrait vraiment nous alerter, parce que le MEDEF est une organisation patronale qui participe au dialogue social, une organisation qui influe lors des négociations sur les salaires, sur l’emploi ou la protection sociale, une organisation qui entendait encore la semaine passée organiser une mobilisation contre une éventuelle taxe sur les profits dans le budget d’Etat. Une organisation qui fait de la politique. Les mêmes qui aiment rappeler aux enseignant·es leur prétendu « devoir de réserve » n’hésitent pas à inclure dans leur plan de formation académique une organisation patronale telle que le MEDEF. C’est une entorse grave au devoir de neutralité qui incombe au service public et à ses agents et qui pousse à se demander si tout le monde a bien lu l’article 11 de la charte de la Laïcité à l’école ! J’irai à leurs formations lorsqu’elles proposeront d’aller manger des merguez avec Sophie Binet dans une bourse du travail, d’aller déguster le pain perdu de Fabien Roussel dans son camping ou d’aller s’enfiler quelques cannelés dans la libraire de Philippe Poutou ?
Non définitivement je n’irai pas faire ripaille avec le MEDEF dans une formation qui sonne comme le dernier avatar d’un néoliberalisme qui s’est emparé de l’école jusqu’à l’écœurement. Il est temps de sortir de ce management mortifère.
Frédéric Grimaud
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